Little Richard Penniman était beau. Il portait un costume large et un pantalon très évasé en bas - jusqu'à soixante-cinq centimètre de large en bas - et il avait les cheveux ramené en une gigantesque banane qui lui ruisselait devant les yeux comme une fontaine. Et une petite moustache genre filet d'anchois et un visage rond complètement extasié.
Il jouait du piano presque sur les genoux, martelant des deux mains comme s'il voulait briser l'instrument. Dans les moments cruciaux, il levait une jambe, la reposait sur le clavier et frappait violemment les touches de son talon tandis que les bords de son pantalon ondulaient comme des cerfs-volants. Il hurlait, hurlait et hurlait. D'une voix monstrueuse, infatigable, hystérique, absolument indestructible. Jamais de sa vie il n'est descendu au-dessous du registre d'un taureau enragé mugissant. Il agrémentait chaque phrase de couinements, de râles, de hurlements de sirènes. Son endurance et son énergie ne connaissaient pas de limites et il interprétait ses chansons - des non-chansons pour la plupart, composées d'une musique primaire et de paroles niveau jardin d'enfant - comme si chaque syllabe était de l'or liquide. (...) Ces disques sonnaient tous à peu près pareil: pas de mélodie, pas de paroles - pré-néanderthaliens. Il y avait un solo de sax ténor quelque part au milieu et un piano constamment maltraité, plus Little Richard lui-même qui hurlait à la mort. Séparément, chacun de ces disques n'allait pas très loin - c'était de courts extraits d'un hurlement sans fin -, ce n'est qu'ensemble qu'ils prenaient sens."
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